Union Départementale CGT d\'Eure & Loir

Bernard Thibault interviewé dans "Métro" - "Nicolas Sarkozy se fiche du dialogue social"

 

Le secrétaire général de la CGT répond aux questions de Gilles Daniel pour Métro.

La CGT diffuse un million de tracts pour appeler à voter contre Nicolas Sarkozy. Est-ce le rôle d’un syndicat de s’engager ainsi dans la campagne ?

Je dois d’abord dire que nous avons été obligés de rééditer ce tract à 400 000 exemplaires, tant la demande dans nos sections syndicales est forte. La CGT n’est pas en campagne électorale au sens partie prenante de la compétition, mais en tant qu’organisation qui a des choses à dire dans le débat public. Dès lors que Nicolas Sarkozy prétend obtenir suffisamment de suffrages pour exercer un nouveau mandat, il est pour nous primordial de livrer notre diagnostic de son bilan. On comprend que cela lui pèse que l’opinion de la CGT soit à ce point critique à son égard. Mais nous n’avons jamais attendu l’autorisation de personne pour parler salaires, emploi, retraites… C’est-à-dire faire du syndicalisme.

Nicolas Sarkozy vous accuse de faire de la politique...

En tant que syndicat, nous nous estimons habilités à livrer notre opinion sur sa politique économique et sociale. Aujourd’hui, il s’efforce de se présenter comme un nouveau candidat. Mais au vu de son comportement et des mesures qu’il a pris pendant cinq ans, il est clair que "la France forte", son slogan de campagne, se traduirait par une France plus autoritaire dans la manière dont le pouvoir politique s’exercerait. On entrerait dans une grave phase de dérèglementation du travail.

Pourquoi ne pas rester neutre comme les autres organisations ?

Chacun choisit sa propre démarche. Mais je remarque que d’autres déclarations, comme celle de la CFDT récemment, ne sont pas neutres. Il ne faut pas se tromper. Même si la CGT est la seule organisation que Nicolas Sarkozy fait siffler dans ses meetings, comme en 2007, ce n’est pas qu’elle qui est visée, mais le fait syndical dans son ensemble : aujourd’hui dans toute l’Europe, l’action syndicale est la seule de nature à contrarier les politiques libérales qui prônent une révision drastique des droits sociaux des salariés.

Nicolas Sarkozy critique dans ses discours les syndicats qui "bloquent" les réformes et "confisquent la parole des Français". Que lui répondez-vous ?

Si on avait pu bloquer davantage de réformes, comme celle des retraites qui a fait descendre des millions de personnes dans la rue, on l’aurait fait.

Le bras de fer que vous menez ne risque-t-il pas de fragiliser le dialogue social si Nicolas Sarkozy est réélu ?

Mais le président de la République se fiche du dialogue social, sauf de temps en temps à vouloir faire des photos avec les responsables syndicaux pour l’afficher. Il l’a encore montré en décrétant qu’il fallait augmenter la TVA et diminuer les cotisations patronales dans la branche famille, malgré l’avis opposé de tous les syndicats de salariés. Dans son action et ses choix, il a systématiquement été au diapason des revendications patronales. Les entreprises n’ont jamais autant gagné d’argent public que sous son ère. Je comprends d’ailleurs, et là ça semble ne pas susciter de critiques particulières, que Laurence Parisot considère le quinquennat comme remarquable et souhaite sa réélection pour le bonheur des employeurs.

De son côté justement, la patronne du Medef vous a reproché de vous être affiché avec Jean-Luc Mélenchon...

Je le dis très clairement : la CGT n’a pas de candidat aux élections présidentielles. J’ai rencontré tous les candidats qui le souhaitaient. Mais ce qui nous intéresse, c’est de regarder à quel degré les positions des uns et des autres sont plus ou moins en résonance avec ce que nous portons.

Qui est le plus en résonance ?

Si je venais sur ce terrain, inévitablement je vous indiquerais une préférence. Mais ce n’est pas le cas. En même temps, quand Jean-Luc Mélenchon dit qu’il faut fixer un salaire minimum à 1 700 euros et qu’il a puisé cette proposition dans le cahier revendicatif de la CGT, je ne vois pas pourquoi on se plaindrait. Quand François Hollande dit qu’il rétablira la retraite à 60 ans pour une partie des salariés, avant d’ouvrir une négociation, ce n’est pas une reprise intégrale de la position de la CGT, mais c’est déjà un changement de cap.

Les candidats parlent-ils suffisamment des questions socio-économiques dans cette campagne ?

A notre goût, il n’y a bien sûr pas assez d’éléments permettant de sortir de la crise. Aujourd’hui, il y a un pouvoir exorbitant des actionnaires. Les responsables politiques ne peuvent pas s’étonner d’être mis devant des faits accomplis pour lesquels ils apparaissent démunis, comme lorsqu’une entreprise économiquement viable est fermée. Si on ne permet pas aux salariés d’intervenir sur les choix de gestion, d’investissement des entreprises, toute une série de questions, comme le développement de l’industrie ou l’environnement, ne trouveront pas de réponse.

Le 1er mai tombe dans l’entre-deux-tours. Quelle tonalité voulez-vous lui donner ?

Il faut qu’il soit très revendicatif. Grâce à ce hasard du calendrier, on a une bonne opportunité de remettre entre les deux tours les revendications sociales sur le devant de la scène. Nous allons aussi essayer qu’il soit le plus unitaire possible sur le plan syndical.

Vous quitterez la tête de la CGT l’an prochain. Que ferez-vous ensuite ? De la politique ?

Je n’ai pas de projet personnel à ce stade mais une chose est sûre, ce ne sera pas dans cette orientation.



06/04/2012
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