Plus de 50 ans de lutte syndicale pour la CGT au sein de l’usine Renault, à Cléon. Daniel Teurquety, 87 ans a été de ceux qui ont créé la section. Il en a été le premier secrétaire général. Pascal Morel assure la fonction aujourd’hui. Entre ces deux hommes, un livre, ouvrage collectif écrit par une douzaine de retraités CGT de Renault-Cléon, dont Serge Laloyer, président de l’Institut CGT d’histoire sociale de Seine-Maritime.
Quand Renault ouvre ses portes en 1958, l’usine emploie 1 500 salariés et la CGT n’est pas représentée. « On avait fait la guerre aux rouges », raconte Daniel Teurquety. Jean-Pierre Buttard raconte amusé que « le bureau d’embauche passait par le curé de Saint-Aubin, pour filtrer. Mais tous les filtres ont des trous… ». En 1960 le syndicat CGT se crée malgré ce filtre, participe à ses premières élections professionnelles, et obtient 47,89 % des suffrages.
Le syndicat surmontera avec succès les mauvais coups et les croches-pieds patronaux comme cette « affaire » dite « des diamants », montée de toute pièce par la direction pour casser le syndicat, et qui verra sa supercherie découverte. Elle sera contrainte de muter le chef du personnel dans une autre usine de la Régie Renault.
L’une des premières revendications en dehors de la question des salaires qui a toujours été au centre des préoccupations, il y a la question de la restauration. L’action pour la satisfaction de cette revendication contribue à asseoir le syndicat. « Les repas étaient vraiment mauvais. Tout le monde le disait. (..) Les délégués du personnels CGT sont allés voir le directeur avec leur assiette de cantine et lui on dit: vous mangeriez ça ? ». Après 50 ans, le fait pourrait paraître anecdotique aujourd’hui, si les salariés bénéficiaient partout d’un restaurant. Mais d’une manière générale, le restaurant d’entreprise est devenu l’exception, et une majorité de salariés est aujourd’hui contrainte de manger « à la gamelle ». Cette action d’hier à Cléon est donc porteuse d’enseignements pour aujourd’hui, pour de nombreux syndicats de petites et moyennes entreprises.
A la veille de la grande grève de 1968, le syndicat CGT de Renault Cléon comptera 500 adhérents. Depuis les effectifs de l’usine ont fondu, Renault multipliant intérim, sous-traitance et filialisation. Avec 500 intérimaires, l’organisation du syndicat dans l’entreprise n’est évidemment pas comparable à celle des années 1960 et 70. « A l’époque de la Régie, on faisait sa vie chez Renault ». Mais ils sont toujours 291 à être syndiqués à la CGT, soit un pourcentage similaire, ce qui représente une grande force. D’ailleurs la CGT est redevenue le premier syndicat de l’usine en 2009.
A Cléon, la CGT a toujours été très attentive aux conditions de travail. Ici il n’y a jamais eu de petites revendications. Par exemple, « en 1970, avec une grève d’atelier, on obtenait un quart d’heure de douche, ou le remplacement d’un collègue sur une chaîne. » Il est vrai qu’aujourd’hui, « la raison économique prime sur le rapport humain », et qu’il y a moins de proximité avec la hiérarchie, ce qui rend la satisfaction des revendications plus difficile. Mais cette question de la satisfaction des petites revendications reste, pas seulement à Cléon, le cœur de la préoccupation des militants, car le syndicalisme c’est d’abord la résolution des problèmes individuels et collectifs des salariés.
Le livre « Syndicat CGT Renault Cléon, 50 ans » est disponible sur souscription (8 €). Plus d’infos: Union locale CGT, Place des Rattaqueux, 76500, Elbeuf; tel: 02.35.77.06.29, mail: ulcgtelbeuf@neuf.fr